On est en 1569. La reine Jeanne d’Albret demande à Gabriel de Lorges, comte de Montgomery de reconquérir ses terres et délivrer ses lieutenants assiégés à Navarrenx.
De suite, il constitue une armée à partir de bénévoles. Pour la plus part, ce sont des gens de la campagne qui n’ont aucune expérience au combat. Par contre, ils ont le cœur chargé contre les catholiques. Dans un premier temps, les contestations se tournaient autour des dîmes plus qu’excessives et de l’enseignement déviant loin des vérités bibliques. Puis, s’est ajouté une foule d’injustices, de sentences sévères et de morts.
Bref. C’est pour dire qu’ils sont remontés à bloc. Tant qu’à faire, ils vont se faire plaisir et détruire ce qu’ils détestent le plus dans la Religion catholique : les images. Après tout, le deuxième des 10 commandements est clair : « Tu ne feras point d’image taillée. »
Les quelques 3 000 recrus quittent Castres, passent la Garonne à Saint Gaudens, puis se dirigent vers Navarrenx. Ils ont 12 « maîtres militaires », ce qui permet de se diviser en autant d’équipes et sillonner le pays. Les églises et les abbayes vont en faire les frais.
L’abbaye des Carmes de Trie-sur-Baïse compte parmi les plus dégradées. Elle est dans un tel état que les moines (les quelques survivants...) ont de la peine à reconstruire. Petit à petit, ce qui peut être sauvé est vendu. Voilà dans quel contexte des sculptures ont été cédées aux bénédictins de l’abbaye Saint-Sever-de-Rustan sept ans après les faits.
En fin du 19e siècle, l’abbaye de Saint-Sever-de-Rustan a voulu vendre le cloitre. Et qui a voulu l’acheter ? Le Cloisters’ Museum de New York ! Mais, ouf ! Il n’a eu que 23 chapiteaux… La Ville de Tarbes a pu en « sauver » pour la France.
Voilà comment, aujourd’hui, des éléments provenant des Carmes de Trie-sur-Baïse se trouvent au Jardin Massey de Tarbes.
Il faut se souvenir que ces sculptures datent de la fin du Moyen-Âge, disons le 14e ou 15e siècle. Certaines sont inspirées de la Bible. D’autres viennent de légendes. Peut-être que toutes seront, pour nous, vraiment curieuses.
Cette première sculpture, c’est la naissance de Christ. Jésus est allongé tout en longueur sur son côté droit. Sans couverture. Les mains entreposées devant sa poitrine. Les yeux ouverts. Je pense que ce ne sont pas ses cheveux qui sont dressés en brosse, mais une auréole pour souligner sa divinité.
On voit deux animaux qui passent leurs têtes au-dessus de lui : un âne, et l’autre, je crois bien que c’est une vache.
Marie et Joseph sont de chaque côté. Ils regardent vers nous. D’ailleurs, on dirait qu’ils posent tous pour la photo.
Cette deuxième se trouve au chapiteau « N° 8 Saint-Jacques ». Il faut une explication, parce que celle-ci n’est pas dans la Bible.
À droite : Saint-Jacques de Compostelle avec houlette et auréole. De la main droite, il soutient un homme pendu. (Non, ce n’est pas un enfant.)
L’homme à gauche est un Allemand. Oui, parce que la légende qui viendrait du très lointain 11e siècle, parlent de deux pèlerins allemands.
Un père et son fils en chemin pour Compostelle se seraient arrêtés dans une auberge toulousaine. Une femme fait des avances au fils, qui la repousse. (Donc, ce n’est pas un petit enfant...) Elle se venge en cachant de l’argenterie dans ses affaires avant de le dénoncer. Puisque, effectivement, on retrouve les objets volés dans le sac du jeune homme, il est aussitôt pendu.
Le père continue seul son pèlerinage. Sur le retour un mois plus tard, il s’arrête devant la potence et découvre que son fils est toujours vivant. Saint-Jacques l’aurait soutenu par les pieds et nourri d’une nourriture venue du ciel. C’est alors que le père court chez le juge, qui ne peut que reconnaître le miracle. Il fait descendre le jeune homme et pendre son accusatrice.